D’accord, on l’a tous fait. Mais Hubert est devenu expert en la matière. Entouré de cinéphiles dans sa vie sociale, et marié à une critique de cinéma, il se sent obligé, depuis plus de 20 ans, de prétendre avoir vu tous les films de Jean-Luc Godard. Auprès des néophytes, il passe même pour un spécialiste. Manque de bol, depuis le décès du cinéaste, il doit enchaîner les interviews.
Dont la nôtre.
Bonjour Hubert, comment vous sentez-vous depuis le décès de votre cinéaste préféré, Jean-Luc Godard ?
Pas terrible. J’ai essayé de revoir en vitesse les bandes-annonces de tous ses films, mais même là, j’arrive pas au bout.
Comment faites-vous pour briller en société lors des dîner mondains, alors ?
Je me retape les scènes les plus célèbres de ses films et, généralement, ça suffit. Et puis, répéter en boucle « Qu’est-ce que je peux faire ? Y’a rien à faire ! » C’est pas très compliqué. Le bon côté de Godard, c’est que les dialogues sont souvent très cons et faciles à retenir. Exemple : « Et mes bras tu les aimes ? Et mes yeux tu les aimes ? Et mes fesses tu les aimes ? »
Pratique, quoi.
Ah oui, pas mal. D’autres astuces pour faire semblant ?
Bien sûr. Vous pouvez inventer une fausse anecdote autour de Jean-Luc Godard. Moi, par exemple, je prétends l’avoir croisé à Cannes et avoir échangé avec lui. J’invente une question alambiquée sur le cinéma, je compile plusieurs mots savants du dictionnaire de l’Académie Française, je les agence au hasard dans une phrase, et ça marche à tous les coups.
Super ! D’autres idées ?
Je fais aussi semblant d’avoir compris l’un de ses films récents qui se veut expérimental. Je prends un passage au hasard dans Le Masque et la plume, un paragraphe au pif dans Les Cahiers du cinéma, et je récite. Les gens n’y voient que du feu.
Ah ? Et ça marche avec tout le monde ?
A part les universitaires. Ceux-là, je les évite comme la peste.
Parce qu’ils savent de quoi ils parlent ?
Non, parce qu’ils sont encore plus chinants que de se taper les films pour de vrai.