Antoine aimerait avoir des bouquins aussi neufs et lisses au mois de juin qu’ils l’étaient en sortant de leur carton Amazon, en septembre de l’année d’avant. Mais non. Les livres d’Antoine ressemblent, au détail près, au Monstrueux Livre des Monstres, dans Harry Potter : ils menacent de le mordre tant ils se sont sentis maltraités.
De l’oppression des livres de fac
En vérité, Antoine aimerait être un peu plus comme sa camarade Pauline, dont les livres restent absolument impeccables, comme s’ils faisaient semblant de ne pas avoir été lus. Pas une ride sur la tranche, pas une page cornée, pas une trace de crayon dans les marges. Rien.
Oui mais voilà, Antoine n’a rien à voir avec Pauline. Ses livres à lui sont stabilotés de partout, au point qu’ils ressemblent à une boîte de nuit des seventies. Il apprend par cœur de belles citations dedans au cas où le livre en question tomberait à l’examen.
Évidemment, ça n’arrive jamais. Antoine tombe toujours sur le livre qui, justement, est resté neuf sur son étagère, parce qu’il n’a pas eu le temps de le lire, parce qu’il y avait Harry Potter à la télé ou la réunion Harry Potter sur Salto, parce que ses potes prenaient un verre tout près, au pub juste en bas, et qu’il n’allait quand même pas rater l’anniversaire de Gaspard.
Même en leur caressant la tranche…
Bref, pour un livre resté neuf dans sa bibliothèque, douze autres sont prêts à lui sauter à la gorge à la moindre occasion. Il a beau leur caresser la tranche, rien n’y fait. Quand des dents sont apparues à l’avant, il a tenté de les amadouer avec du Nutella, en vain.
Il n’ose même pas apporter ses bouquins à la bourse aux livres. Déjà parce que c’est un peu la honte, enfin parce qu’il aurait de la chance de vendre le lot pour deux euros trente, et ensuite parce que, s’il les pose sur une table, ils seraient capables de dévorer les livres voisins.
Bref, Antoine va sûrement arrêter la fac et devenir garde forestier, comme Hagrid, histoire de s’occuper des grosses bêtes pour de vrai.